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    La politique migratoire de la Suisse

    Afin de comprendre les enjeux de la mise en œuvre de l’initiative « contre l’immigration de masse » acceptée par le peuple suisse le 9 février 2014, il importe d’avoir à l’esprit les grands principes de la politique migratoire helvétique. Cette dernière se divise en trois : celle à l’égard des Européens, celle concernant les ressortissants d’Etats tiers et la politique relative à l’asile que nous ne traiterons pas ci-dessous.

    Jusqu’au 1er juin 2002, date de l’entrée en vigueur de l’accord sur la libre circulation des personnes, la politique migratoire qui était identique à l’égard de tous les ressortissants étrangers, quelle que soit leur nationalité, peut être résumée ainsi. Tout d’abord, sous réserve de rares engagements figurant dans des traités internationaux, les ressortissants étrangers n’avaient aucun droit à l’obtention d’un permis de séjour ou d’une autorisation de travail en Suisse. D’autre part, les autorisations de travail annuelles, saisonnières et de courte durée, contrairement aux autres titres de séjour, faisaient l’objet d’un contingentement. Ensuite, alors que les autorisations de séjour pouvaient être octroyées aussi bien à des Européens qu’à des ressortissants d’Etats tiers, les permis de travail pouvaient être accordés, sous réserve de certaines exceptions, notamment celles des personnes hautement qualifiées, uniquement à des travailleurs ressortissants de l’UE ou de l’AELE. Enfin, il appartenait à l’employeur de prouver qu’il n’avait pas trouvé un travailleur disposant d’un permis de travail en Suisse ayant les capacités et le souhait d’occuper le poste proposé aux conditions de rémunération et de travail usuelles de la branche et l’employeur devait accorder aux travailleurs les mêmes conditions de rémunération et de travail que celles qui se pratiquaient en Suisse dans la localité et la profession concernée.

    Suite à l’entrée en vigueur de l’accord entre la Suisse et l’UE relatif à la libre circulation des personnes, il y a lieu de distinguer entre les Européens et les ressortissants d’Etats tiers. De manière générale, les règles mentionnées ci-dessus ont continué à s’appliquer à ces derniers. En revanche, les Européens, bénéficient de la libre circulation des personnes. Cela signifie que, si certaines conditions sont réunies, une personne a droit à un titre de séjour ou à un permis de travail en Suisse. Il sied de souligner que depuis le 1er juin 2002, l’autorisation saisonnière a été supprimée et les conditions pour l’octroi d’un permis frontalier ont été assouplies. En effet, un frontalier peut habiter n’importe où en Europe, et non plus uniquement dans la zone frontalière, il n’a plus besoin d’avoir la nationalité d’un Etat voisin de la Suisse, mais doit être Européen, et il doit retourner chez lui, non plus chaque jour, mais une fois par semaine.

  • La votation du 9 février 2014 a créé un séisme dans la politique migratoire suisse dans la mesure où le nouvel article 121 a de la Constitution fédérale stipule qu’il appartient à la Suisse d’instaurer un système de plafond et de contingent annuel concernant toutes les autorisations de séjour et de travail délivrées à des ressortissants étrangers, européens ou non. Deux points essentiels doivent être soulignés concernant cette nouvelle disposition constitutionnelle. D’une part, elle prévoit l’instauration d’un système beaucoup plus strict que celui qui était en vigueur avant le 1er juin 2002. En effet, à l’époque, seuls les permis de travail annuels, saisonniers et de courte durée étaient contingentés, alors que l’article 121 a exige que tous les permis de travail et toutes les autorisations de séjour fassent l’objet d’un contingentement, y compris les requérants d’asile, les frontaliers et les personnes bénéficiant du regroupement familial. D’autre part, la notion de contingentement est par essence même contraire à la libre circulation des personnes.

    Voilà le cadre dans lequel nos futurs Conseillers fédéraux et parlementaires auront la lourde tâche de résoudre la quadrature du cercle consistant à rendre compatible la volonté populaire avec nos engagements internationaux et notre politique européenne.