En bref

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    L’impôt d’après la dépense trouve son origine dans le canton de Vaud en 1862. Introduit à Genève en 1928, il existe sur le plan fédéral depuis 1934.

    Durant de nombreuses années, cette forme d’imposition fut régie par l’article 1er du Concordat du 10 décembre 1948 entre les cantons et la Confédération suisse sur l’interdiction des arrangements fiscaux et n’existait pas dans tous les cantons.

    Depuis le 14 décembre 1990, l’impôt d’après la dépense est régi, concernant l’impôt fédéral direct, par l’article 14 de Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD). Dès la même date, l’article 6 de la Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) fixe les conditions auxquelles les cantons doivent soumettre, dans leur législation, l’impôt à forfait.

    Le 8 février 2009, les Zurichois ont décidé par votation populaire avec une majorité de 52,9% des voix de supprimer l’imposition d’après la dépense dans leur canton. Cette votation a eu trois effets principaux :

    a) Durant les années qui suivirent, de nombreuses initiatives tendant à la suppression de l’impôt  à forfait ou à son réforme furent soumises au peuple ou au parlement dans de nombreux cantons. Hormis Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle Campagne, Bâle Ville et Schaffhouse qui, en plus du canton de Zurich, décidèrent de supprimer cette forme d’imposition, les autres cantons décidèrent de maintenir l’impôt d’après la dépense, le plus souvent, en en durcissant les conditions.

  • b) Afin d’éviter que certains cantons ne pratiquent des forfaits trop bas et pour éviter que le peuple suisse accepte l’initiative mentionnée ci-dessous, le parlement fédéral par la Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l’imposition d’après la dépense a modifié les articles 14 LIFD et 6 LHID précités en durcissant les conditions de l’imposition à forfait. Les principales modifications portent sur la fixation d’un seuil minimum de dépenses au niveau fédéral, l’obligation des cantons de fixer dans leur législation un tel seuil, le passage du quintuple au septuple de la valeur locative pour la détermination du seuil minimum des dépenses et sur l’obligation faite aux cantons d’imposer, selon la méthode de leur choix, la fortune des forfaitaires. Ces modifications seront applicables dès le 1er janvier 2016 à tous les forfaitaires. En revanche, concernant les personnes bénéficiant déjà de ce système au 31 décembre 2015, elles bénéficieront des anciennes conditions jusqu’au 31 décembre 2020.

    c) Enfin, le peuple suisse a été appelé à voter le 30 novembre 2014 sur une initiative déposée par la gauche helvétique intitulée « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux) ». Suite à une campagne dans laquelle Philippe Kenel s’est fortement impliqué, le peuple suisse a rejeté cette initiative par une majorité de 59,2 % des voix. Alors que durant de nombreuses années, la pérennité de l’imposition d’après la dépense était fragilisée par la perspective de cette initiative, la décision sans appel du peuple suisse l’a inscrite dans la pierre dure.

Initiatives cantonales

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    Le canton de Zurich est le premier à avoir aboli l’impôt d’après la dépense lors d’une votation du 8 février 2009.

     Suite à cette décision, neuf autres cantons ont voté sur une initiative tendant à l’abolition de l’imposition d’après la dépense. Trois l’ont acceptée (Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Campagne et Schaffhouse) alors que cinq autres l’ont refusée (Berne, Genève Lucerne, St-Gall et Thurgovie).

     Par ailleurs, le parlement du canton de Bâle-Ville a décidé de supprimer l’imposition d’après la dépense alors que les Landsgemeinde ou les parlements de quatre autres cantons (Appenzell Rhodes-Intérieures, Glaris, Nidwald et Tessin) se sont prononcés contre des initiatives allant dans ce sens.

    Le canton de Zurich est le premier canton à avoir supprimé l’impôt d’après la dépense. En effet, les citoyens zurichois ont accepté le 8 février 2009 à une majorité de 52,9% des voix une initiative tendant à supprimer cette forme d’imposition. En 2008, 201 contribuables imposés d’après la dépense étaient domiciliés dans ce canton.

    Suite à cette décision, les citoyens, les Landsgemeinde ou les parlements cantonaux ont eu l’occasion de se prononcer sur des initiatives tendant à l’imposition d’après la dépense ainsi que sur des contre-projets.

    Nous les présenterons ci-dessous dans l’ordre chronologique des dates de votations ou de décisions des parlements ou des Landsgemeinde.

     

    1. Glaris

    Suite à une initiative exigeant l’abolition du forfait fiscal, la Landsgemeinde du canton de Glaris s’est prononcée le 1er mai 2011 pour le maintien de cette forme d’imposition.

    En 2010, Glaris ne comptait pas plus de cinq forfaitaires.

     

    2. Thurgovie

    En date du 15 mai 2011, les Thurgoviens se sont prononcés sur une initiative tendant à l’abolition du forfait fiscal. Ils ont également dû se prononcer sur un contre-projet qui prévoyait que le montant minimum des dépenses devrait s'élever à CHF 150'000.-. Cependant le contre-projet prévoyait que la somme des dépenses ne devait pas être inférieure à dix fois la valeur locative du bien loué ou acheté par le contribuable ou à quatre fois sa pension complète.

    Les citoyens du canton de Thurgovie ont accepté le contre-projet.

    En 2010, 127 contribuables étaient imposés d’après la dépense dans ce canton.

     

    3. Schaffhouse

    Le 25 septembre 2011, les Schaffhousois se sont prononcés sur une initiative tendant à l’abrogation des forfaits fiscaux. Un contre-projet proposait d’introduire sur le plan cantonal les mêmes conditions que celles prévues sur le plan fédéral par la Loi du 28 septembre 2012 sur l’imposition d’après la dépense, soit un minimum de dépenses imposables de CHF 400'000.- et le passage au septuple au lieu du quintuple de la valeur locative. Il y a lieu de préciser qu’à cette date la Loi fédérale sur l’imposition d’après la dépense n’avait pas encore été votée par les Chambres fédérales.

    Les Schaffhousois ont accepté l’initiative et refusé le contre-projet.

    En 2010, le canton de Schaffhouse comptait seulement 7 contribuables imposés d’après la dépense.

     

    4. Argovie

    Le 6 septembre 2011, le Grand Conseil argovien a rejeté une motion socialiste demandant la suppression de l’impôt d’après la dépense.

    En 2010, il y avait 14 forfaitaires dans ce canton.

     

    5. St-Gall

    Le 27 novembre 2011, les St-Gallois se sont prononcés sur une initiative prévoyant la suppression de l’impôt d’après la dépense. Un contre-projet proposait quant à lui que le minimum des dépenses soit fixé à CHF 600'000.- et qu’il ne soit pas être inférieur à sept fois la valeur locative du bien occupé par le contribuable.

    L’initiative et le contre-projet ont été acceptés ; néanmoins, à la question de savoir si, en cas d’acceptation de l’initiative et du contre-projet lequel devait l’emporter, le contre-projet a obtenu une majorité de voix.

    En 2010, 87 contribuables étaient imposés d’après la dépense dans le canton de St-Gall.

     

    6. Lucerne

    Le 11 mars 2012, les Lucernois se sont prononcés sur une initiative demandant la suppression de l’impôt à forfait. Un contre-projet proposait le même système que celui accepté par les St-Gallois le 27 novembre 2011. De plus, le contre-projet précisait que la fortune minimum imposable devait correspondre au moins à vingt fois le montant des dépenses. Cela signifie que le montant de la fortune imposable était au minimum de CHF 12 millions.

    Les Lucernois ont rejeté l’initiative et accepté le contre-projet.

    En 2012, 130 contribuables imposés d'après la dépense étaient domiciliés dans le canton de Lucerne.

  • 7. Appenzell Rhodes-Extérieures

    Le même jour que les Lucernois, les habitants du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures ont accepté une initiative prévoyant la suppression de l’imposition d’après la dépense. Ils ont refusé un contre-projet dont le contenu était identique à celui soumis au peuple dans le canton de Lucerne.

    En 2012, seules 19 personnes étaient imposées d’après la dépense dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures.

     

    8. Bâle-Ville

    Le 19 septembre 2012, le parlement du canton de Bâle-Ville a décidé d’abolir l’imposition d’après la dépense. Cette décision n’a donc pas fait l’objet d’un vote populaire, mais d’une décision du parlement.

    En 2012, 16 personnes étaient imposées d’après la dépense dans le canton de Bâle-Ville.

     

    9. Berne

    Le 23 septembre 2012, les Bernois se sont prononcés sur une initiative ayant pour objet la suppression de l’impôt d’après la dépense et un contre-projet correspondant exactement à la Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l’imposition d’après la dépense. Il sied de préciser que, contrairement au contre-projet soumis le 11 mars 2012 dans les cantons d’Appenzell Rhodes-Extérieures et de Lucerne, le contre-projet bernois ne prévoyait pas un montant minimum de fortune imposable.

    Les Bernois ont rejeté l’initiative et ont accepté le contre-projet.

    En 2012, 211 contribuables étaient imposés à forfait dans le canton de Berne.

     

    10. Bâle-Campagne

    En date du 23 septembre 2012, le même jour que le vote bernois, les citoyens du canton de Bâle-Campagne ont eu l’occasion de se prononcer sur une initiative prévoyant la suppression de l’imposition d’après la dépense et un contre-projet reprenant les règles figurant dans la Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l’imposition d’après la dépense.

    Les citoyens de ce canton ont accepté l’initiative et rejeté le contre-projet.

    En 2012, seules 10 personnes étaient imposées à forfait dans le canton de Bâle-Campagne.

     

    11. Nidwald

    Le 3 mars 2013, les citoyens du canton de Nidwald ont rejeté une initiative tendant à la suppression des forfaits fiscaux. Il y a lieu de préciser que le Grand Conseil en avait durci les conditions en 2011 prévoyant un plancher de dépenses à CHF 400'000.- et une fortune minimum imposable de CHF 8 millions.

    En 2012, 84 contribuables imposés d’après la dépense vivaient à Nidwald.

     

    12. Appenzell Rhodes-Intérieures

    Le 27 avril 2014, la Landsgemeinde du canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures a confirmé le maintien de l'imposition d'après la dépense, mais a augmenté à CHF 400'000.- la base minimum des dépenses imposables.

    En 2012, 21 personnes imposées d'après la dépense étaient imposées dans ce canton.

     

    13. Tessin

    Le 6 mai 2014, le Grand conseil du canton du Tessin a rejeté une initiative parlementaire ayant pour objet de supprimer l'imposition d'après la dépense dans ce canton.

    En 2012, 877 forfaitaires vivaient dans le canton du Tessin.

     

    14. Genève

    Le 30 novembre 2014, les citoyens du canton de Genève ont rejeté à une majorité de 68,4%  une initiative tendant à supprimer l’imposition d’après la dépense dans ce canton.

    En 2014,  696 personnes étaient imposées d’après la dépense dans le canton de Genève.

    Les citoyens genevois ont également rejeté un contre-projet qui prévoyait notamment que le montant minimum légal des dépenses devait être fixé à CHF 600'000.- et que, pour couvrir l’imposition de la fortune, il y avait lieu d’augmenter le montant des dépenses de 10%.

    Il y a encore lieu de préciser que dans le canton de Vaud, le POP avait lancé une initiative en 2010 dont l’objectif était de supprimer l’impôt à forfait. Cependant, il n’est pas parvenu à récolter le nombre de 12'000 signatures requises.

Initiative fédérale

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    Initiative fédérale « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux) »

    Le 30 novembre 2014, le peuple suisse a voté sur une initiative lancée par la gauche intitulée « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux) ».  Il l’a rejetée à une majorité de 59,2%. Un seul des vingt-six cantons (Schaffhouse) l’a acceptée. Contrairement à ce que les initiants affirmaient, cette initiative ne concernait pas uniquement l’imposition d’après la dépense. En effet, elle tendait à supprimer tous les privilèges fiscaux accordés aux personnes physiques.

    Le contenu de l’initiative qui proposait d’introduire dans la Constitution fédérale (Cst.) les articles 127 al. 2 bis et 197 ch. 9 peut être résumé en trois points.

    Tout d’abord, les initiants souhaitaient que les « privilèges fiscaux » pour les personnes physiques soient considérés comme illicites (art. 127 al. 2 bis Cst.). En second lieu, ils désiraient interdire l’impôt d’après la dépense (art. 127 al. 2 bis Cst.). Enfin, ils prévoyaient, qu’en cas d’acceptation de l’initiative, la Confédération édicte la législation d’exécution dans un délai de trois ans à compter de la date de la votation. Si aucune loi d’exécution n’avait été mise en vigueur dans ce délai, les deux règles mentionnées ci-dessus qui auraient figuré à l’article 127 al. 2 bis Cst. se seraient appliquées directement (art. 197 ch. 9 Cst.).

    Il résulte clairement de ce qui précède que l’objet de l’initiative était beaucoup plus large que l’interdiction de l’impôt d’après la dépense. Les initiants souhaitaient interdire tout « privilège fiscal » pour les personnes physiques, l’impôt d’après la dépense n’étant, selon eux, qu’un cas d’application de ce principe.

    L’illicéité des « privilèges fiscaux »

    Dans son message (FF 2013, p. 4853), le Conseil fédéral considérait que la question de la portée de cette disposition se posait. Néanmoins, selon lui, la première phrase du texte de l’initiative n’avait pas une portée plus grande que celle de l’article 127 al. 2 de la Constitution fédérale (Cst.) ou du principe de l’égalité de traitement.

  • Personnellement, nous ne partageons pas cette position pour les raisons suivantes.

    a. Si tel était le cas, les initiants ne l’aurait pas fait figurer dans le texte de leur initiative.

    b. L’article 127 al. 2 Cst. prévoit ce qui suit : « Dans la mesure où la nature de l’impôt le permet, les principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés ». Il y a lieu de rappeler que l’article 127 al. 2 Cst. ne figurait pas dans le projet de constitution élaboré par le Conseil fédéral. Ajouté par le Conseil national, le Conseil des Etats s’y est rallié à la condition d’ajouter les termes « Dans la mesure où la nature de l’impôt le permet ». Or, l’alinéa 2 bis tel qu’il a été rédigé par les initiants ne reprend pas cette restriction et aurait, par conséquent, de toute manière, un champ d’application plus large que l’alinéa 2.

    c. La preuve que le but des initiants était d’aller au-delà de l’article 127 al. 2 Cst. et de l’interdiction de l’impôt d’après la dépense est qu’ils prévoyaient expressément que la Confédération devait édicter une législation d’exécution dans un délai de trois ans à compter de la date de la votation. Or, si le nouvel article 127 al. 2 bis Cst. ne devait pas aller au-delà de l’article 127 al. 2 Cst. et se borner à interdire l’impôt d’après la dépense, il n’aurait pas été nécessaire de prévoir une législation d’exécution.

    Il résulte de ce qui précède que la première phrase de l’article 127 al. 2 bis Cst. Aurait introduit une totale insécurité dans le système fiscal suisse. D’une part, les initiants et leurs partisans auraient tenté d’introduire toute sorte de règles durant l’élaboration de la législation d’exécution. Cela aurait déstabilisé sur le plan législatif le système fiscal helvétique. D’autre part, l’interprétation de la notion de « privilège fiscal » aurait donné lieu à de nombreux recours au Tribunal fédéral. Il importe de souligner que comme c’est le cas pour l’article 127 al. 2 Cst., l’alinéa 2 bis se serait appliqué non seulement à la législation fédérale, mais également à la législation cantonale.

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    Voter oui = déstabiliser le système fiscal suisse et supprimer les déductions fiscales, ce qui concerne tous les Suisses et tous les cantons

    Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, cette initiative n’a pas comme objectif principal d’abolir l’impôt d’après la dépense. Son but essentiel, comme d’ailleurs l’indique son titre, est d’interdire les « privilèges fiscaux » pour les personnes physiques. Or, comme nous l’avons présenté, l’introduction de ce concept en droit suisse aurait comme conséquence de déstabiliser le système fiscal helvétique et de créer une totale insécurité à l'heure où la Suisse a justement besoin de retrouver ces conditions cadres stables. D'ailleurs, dans son discours du 28 juin 2014, le président du parti socialiste suisse a clairement déclaré que le but de son parti est la suppression des déductions fiscales.

    Vu l’objet de l’initiative, il serait totalement erroné de considérer qu’elle concerne uniquement les cantons romands et celui du Tessin où se trouve la grande majorité des personnes imposées d’après la dépense. L’introduction de la notion de « privilège fiscal » dans l’ordre juridique suisse serait déstabilisante dans l’entier de la Suisse aussi bien sur le plan fédéral, cantonal que communal.

    Argument suivant...