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    Et pourtant, ils partent !

    Dans son dernier ouvrage intitulé « Tchao la France - 40 raisons de quitter votre pays », Corinne Maier, auteur français domicilié à Bruxelles, écrit que l’on dit en allemand « Vivre comme Dieu en France » pour désigner une personne qui n’est pas à plaindre. Or, pourtant, les Français fortunés ne cessent de quitter leur pays. Ils étaient 719 en 2007, 821 en 2008 et sans aucun doute plus en 2009[1]. La majeur partie d’entre eux soit se dirige vers la Suisse, soit s’installe en Belgique.

    De manière générale, les ressortissants étrangers fortunés se rendent en Suisse pour trois raisons qui parfois se cumulent. Tout d’abord, certains d’entre eux souhaitent quitter leur pays car ils y paient trop d’impôts. En second lieu, le départ peut être motivé par le souhait de légaliser des avoirs non déclarés déposés dans une banque helvétique. Enfin, d’autres décident d’acquérir un domicile en Suisse afin de pouvoir y acheter un bien immobilier qu’ils ne pourraient pas acquérir, vu les conditions fixées par la Lex Koller, en restant domicilié à l’étranger.

    La très grande majorité des Français qui se rendent dans notre pays le font pour l’une des deux première raisons mentionnées ci-dessus. La seconde a joué un rôle important au courant de l’année 2009 vu la conclusion entre la Confédération helvétique et la France d’un avenant à la Convention de double imposition introduisant l’échange d’informations à la demande en application de la décision du Conseil fédéral du 13 mars 2009. Cependant, l’émigration des Français revêt une caractéristique très spécifique. En effet, pour la grande majorité des émigrants d’autres nationalités, le fait de quitter leur pays représente un crève-cœur. A titre d’exemple, le Belge aime son pays même s’il connaît les difficultés que l’on sait. En revanche, les Français fortunés qui décident de se délocaliser, le font très souvent également par ce qu’ils en ont assez du système de fonctionnement de leur Etat. Je ne veux pas dire par là qu’ils n’aiment pas ou plus la France, qu’il n’est pas douloureux pour eux de quitter leurs amis, enfants et petits-enfants, mais qu’ils n’aiment plus la société française. J’ai fait longtemps à comprendre cette raison moi qui aime notamment la culture et la gastronomie française et qui n’a de cesse répéter que Paris est sans aucun doute la plus belle ville au monde.

  • J’ai ressenti une lueur d’espoir parmi mes clients lorsque Monsieur le Président Sarkozy a été élu au mois de mai 2007. Ils ont eu l’impression que l’ère où ils étaient bannis parce qu’ils étaient riches prenait fin. Or, l’attitude du Ministre du budget, Monsieur Eric Woerth à l’occasion du vol des données de la Banque HSBC a brisé cet élan. Alors que dans tout Etat de droit, lorsque l’ont connaît le nom d’une personne ayant commis une infraction, on la poursuit, Monsieur Eric Woerth a fait un chantage en demandant à toute personne détenant des avoirs illégalement à l’étranger de se dénoncer en les menaçant de fortes sanctions s’ils ne le faisaient pas, sous-entendant que leur nom pouvait figurer peut-être sur la liste acquise illégalement. Cette attitude de Monsieur Eric Woerth, honteuse pour l’Etat français, a non seulement accéléré les départs, mais également annihilé toute envie des Français résidant en Suisse de retourner dans leur pays d’origine. En effet, après l’élection de Monsieur le Président Sarkozy, d’aucuns me disaient que s’il était réélu en 2012 et que le bouclier fiscal était maintenu, ils envisageaient de retourner en France. Suite aux agissements du Ministre du Budget, un client m’a dit : « C’est fini, je n’ai plus envie de retourner. Vous voyez, c’est exactement à cause de cela que j’ai quitté la France ».

    Je n’ai pas besoin de préciser que l’attitude pathétique de Monsieur Eric Woerth à l’occasion de l’affaire Bettencourt n’a rien arrangé…

    Voilà pourquoi, non seulement les Français partent, mais ne retourneront pas dans leur, pourtant, si beau pays.



    [1] Chiffres communiqués à l’Assemblée nationale par le Ministre du Budget, François Barouin, le 6 avril 2010.