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    Comment imposer les fortunes franco-suisses?

     

    Les personnes fortunées sont au coeur de toutes les attentions en matière fiscale. État des lieux des relations franco-suisses et des questions relatives à l’application de la Convention conclue le 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales.

     

     

    Les personnes imposées d’après la dépense, appelées également les forfaitaires, paient un impôt non pas calculé sur la base de leurs revenus et de leur fortune, mais sur la base de leurs dépenses. La législation exige que le montant de ces dernières ne soit pas inférieur au quintuple de la valeur locative de leur logement. À partir du 1er janvier 2016 pour les nouveaux arrivants et du 1er janvier 2021 pour les personnes arrivées en Suisse avant le 31 décembre 2015, ce plancher minimum passera au septuple de la valeur locative.

     

    La problématique de l’application de la Convention de double imposition de 1966 aux forfaitaires peut être résumée ainsi: son article 4 par. 6 lit. b stipule que n’est pas considéré comme résident d’un État contractant au sens de la convention «une personne physique qui n’est imposable dans cet État que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidences qu’elle possède sur le territoire de cet État». En 1967, les administrations fiscales suisse et française ont donné naissance, dans le cadre d’une procédure amiable, à la notion de «forfait majoré». En d’autres termes, si le contribuable imposé d’après la dépense accepte que le montant sur lequel il est imposé soit majoré de 30% environ, les autorités fiscales françaises considèrent qu’il est domicilié fiscalement en Suisse au sens de la Convention de double imposition.

     

    Qui a juste? La Suisse ou la France

    La Suisse a commis une erreur en acceptant que seules les personnes bénéficiant du forfait majoré pouvaient bénéficier de la convention, dans la mesure où ce type de contribuable n’est absolument pas visé par l’article 4 par. 6 lit. b. Cependant, le 26 décembre 2012, la Direction générale des finances publiques françaises a décidé, de manière unilatérale, que cet accord ne s’appliquait plus à partir du 1er janvier 2013.

     

    « Nous recommandons aux héritiers d’une personne domiciliée en Suisse de quitter la France. »

     

    La position des autorités françaises est erronée à plusieurs titres. Tout d’abord, bien que cette question soit controversée, nous considérons que la France n’était pas en droit de mettre fin unilatéralement à un accord amiable datant de plus de 40 ans. En second lieu, si l’on devait admettre que les autorités fiscales françaises pouvaient mettre fin unilatéralement à l’accord, la conséquence serait qu’il y a lieu d’appliquer à la lettre l’article 4 par. 6 lit. b précité. Or, cette disposition ne vise absolument pas les personnes imposées d’après la dépense en Suisse. D’une part, il résulte clairement du texte de la convention que sont exclues de son champ d’application les personnes qui sont imposables sur

     

    « La position française est totalement erronée. »

     

    une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou de leurs résidences. Or, les forfaitaires ne sont pas imposés sur la base de la valeur locative de leur résidence, mais sur le montant de leurs dépenses. La valeur locative n’entre en considération que pour fixer le plancher minimum des dépenses. D’autre part, il résulte d’une étude historique de la négociation de l’article 4 par. 6 lit. b que les personnes visées par cette disposition n’étaient absolument pas les contribuables imposés d’après la dépense en Suisse. Il n’en est d’ailleurs jamais fait allusion dans le message du Conseil fédéral. Ces derniers étaient des personnes domiciliées en Suisse, propriétaires d’une résidence secondaire en France, imposées dans ce pays de manière forfaitaire sur la base de la valeur locative de leur propriété.

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    La Suisse doit être ferme

    Dans ces conditions, on peut légitimement se demander pourquoi les autorités fiscales helvétiques ont accepté le système du «forfait majoré» dans le cadre de la procédure à l’amiable. Quelle que soit la réponse à cette question, il résulte de ce qui précède que si la Suisse acceptait la résiliation unilatérale de cet accord, il y aurait lieu d’appliquer à la lettre l’article 4 par. 6 lit. b de la Convention de double imposition de 1966 qui ne concerne absolument pas les personnes imposées d’après la dépense en Suisse. Il en résulterait qu’un forfaitaire bénéficierait de la convention même s’il ne paie pas un «forfait majoré»!

     

    Vu que la position française est totalement erronée, il importe que la Suisse soit très ferme par rapport à son voisin. La seule position que nous sommes prêts à accepter est que la Suisse continue à appliquer le système du «forfait majoré», même si, comme nous l’avons vu ci-dessus, cette pratique est contraire au texte de la convention.

     

    Il sied de souligner l’importance de l’application de la Convention de double imposition de 1966 aux forfaitaires. En effet, non seulement le fait d’en bénéficier leur permet de récupérer totalement ou partiellement un certain nombre d’impôts à la source, mais elle a surtout comme conséquence de trancher la question de leur domicile à l’aune des critères figurant dans la convention, soit essentiellement le centre des intérêts personnels, et non pas à celui de l’article 4 B du Code général des impôts français (CGI) qui prévoit notamment qu’une personne est domiciliée fiscalement en France si elle y a le centre de ses intérêts économiques ou qu’elle y exerce une activité dont elle ne peut pas prouver qu’elle est accessoire.

     

    Quid de l’imposition des successions

    La France a résilié avec effet au 31 décembre 2014 la Convention de double imposition de 1953 en vertu de laquelle, en cas de décès d’une personne domiciliée en Suisse, la totalité des impôts sur les successions était due en Suisse à l’exception de ceux ayant trait aux biens immobiliers détenus en nom propre en France.

     

    À partir du 1er janvier 2015, l’imposition sous l’angle français est régie par l’article 750 ter du CGI. En vertu de cette disposition, lors du décès d’une personne domiciliée en Suisse, un impôt est prélevé en France, au taux français, sur la totalité des biens lorsque l’héritier est domicilié en France et l’a été six ans au cours des dix dernières années, et, si tel n’est pas le cas, sur les biens mobiliers et immobiliers français.

     

    Vu ces nouvelles règles, nous recommandons aux héritiers d’une personne domiciliée en Suisse de quitter la France, d’éviter d’être propriétaires de biens mobiliers (actions et obligations comprises) et immobiliers en France et d’être très prudents en matière de respect des règles sur le domicile.