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Banques et politique : des liens à reconstruire
Par Philippe Kenel, docteur en droit, Python & Peter (pkenel@pplex.ch)
La place financière helvétique a besoin du monde politique suisse pour lui garantir des conditions-cadres attractives, aussi bien sur le plan interne qu’international, et la politique helvétique ne peut pas être déconnectée de l’un des secteurs économiques les plus importants pour notre pays.
Durant de nombreuses années, cette relation reposait sur deux piliers : la grande majorité de nos concitoyens de notre pays et de nos élus considérait que ce qui était bon pour les banques helvétiques était bon pour la Suisse ; les milieux bancaires pouvaient compter sur un soutien sans faille de la part des partis de droite et du centre.
Or, si l’on fait le bilan de ces dernières années des relations politico-bancaires, il y a lieu de constater qu’il est négatif. En effet, le citoyen suisse ne s’assimile absolument plus avec ses banques et ces dernières n’ont plus de réels relais politiques.
Les causes de la détérioration des ces relations sont les suivantes. Premièrement, et celles-ci sont des causes qui n’ont rien à voir avec la Suisse, l’image mondiale du secteur bancaire n’est plus ce qu’elle était, notamment en raison de la crise économique, des scandales financiers et des rémunérations parfois exagérées des dirigeants. En second lieu, en emmenant dans leur giron un certain nombre de politiciens, les associations représentant les milieux bancaires ont commis une erreur historique en refusant de négocier l’abandon du secret bancaire contre l’accès à la libre circulation des services financiers et en s’entêtant dans la politique des accords Rubik. En faisant la politique de l’autruche, elles ont privilégié le court terme par une politique basée sur l’idée que chaque année gagnée était une année de bénéfice gagnée. Troisièmement, les milieux bancaires font preuve d’un grave déficit en matière de communication. En effet, alors qu’ils disent aujourd’hui exactement le contraire de ce qu’ils affirmaient avec la même assurance hier, ils sont incapables de reconnaître qu’ils se sont trompés. Ils se bornent à affirmer que leurs positions sont les mêmes, mais que seules les circonstances se sont modifiées. Enfin, le fait que le monde bancaire semble militer actuellement en faveur de l’abandon du secret bancaire pour les résidents helvétiques, crée un profond malaise. Alors que durant des années, les banquiers ont affirmé que la vraie raison du secret bancaire n’avait rien à voir avec la fiscalité, mais avec la protection de la sphère privée, le citoyen suisse a de la peine à comprendre pourquoi le secret bancaire serait abandonné à l’heure où Kafka semble être un enfant de cœur et où, de toute manière, les banques helvétiques ne voudront ou ne pourront légalement plus gérer de l’argent non déclaré.